top of page
Photo du rédacteurGuillain MALERE

DU FONDEMENT DES EXEMPTIONS ACCORDEES AUX ORGANISATIONS NON GOUVERNEMENTALES EN MATIERE D’IMPOTS SUR LES REMUNERATIONS.



Introduction


Notion

L’Organisation Non Gouvernementale est une des formes d’Association Sans But Lucratif 

A son article 2, la loi n°004/2001 du 20 juillet 2001 portant dispositions générales applicables aux associations sans but lucratif et aux établissements d’utilité publique  renseigne que  l’association sans but lucratif  (ASBL)  est de par sa nature et son objet soit :

  • une association à caractère culturel,

  • une organisation non gouvernementale, ONG en sigle,

  • une association confessionnelle.  

La présente réflexion porte sur la seconde catégorie d’ASBL, à savoir l’Organisation Non Gouvernementale (ONG) que l’article 35 de la loi du 20 juillet 2001 précitée présente comme une association sans but lucratif dotée de la personnalité juridique dont l’objet concourt au développement social, culturel et économique des communautés locales.

En d’autres termes, et comme le précise l’alinéa 36 point 3 de la loi du 20 juillet 2001, l’ONG est appelée à circonscrire dans ses statuts ses secteurs d’intervention choisis dans le cadre de la politique nationale de développement économique, social et culturel de la République Démocratique du Congo. 

C’est donc à ce titre que l’ONG est astreinte par l’article 41 de la loi susmentionnée à tenir compte des besoins locaux et à se conformer dans ses interventions aux orientations du Gouvernement en matière de développement ; tandis que l’article 44 lui fait le devoir d’informer le Ministre ayant le plan dans ses attributions de ses activités de développement, des projets à mettre en œuvre et des ressources financières mobilisées en vue de leur réalisation.     

Ainsi définies les Organisations Non Gouvernementales se déclinent, à leur tour, en deux sortes en l’occurrence celles de droit congolais et celles étrangères, ces dernières étant soumises à des obligations légales spécifiques, en l’occurrence celles prescrites par l’article 37 de la loi du 20 juillet 2001 :

  • avoir une représentation en République Démocratique du Congo,

  • conclure un accord-cadre avec le Ministère ayant le plan dans ses attributions,

  • produire une attestation de bonne conduite, vie et mœurs pour le personnel expatrié dûment légalisée par l’Ambassade ou le Consulat de la République Démocratique du Congo dans le pays où se trouve le siège,

  • utiliser la main d’œuvre locale à concurrence de 60% au minimum. 


L’Association Sans But Lucratif

L’Association Sans But Lucratif, en sigle ASBL, est généralement définie comme un groupement de droit privé constitué entre de personnes qui décident de mettre en commun de façon permanente leurs connaissances ou leurs activités dans un but autre que de partager des bénéfices .

En République Démocratique du Congo, l’ASBL est régie par la loi n°004/2001 du 20 juillet 2001 portant dispositions générales applicables aux associations sans but lucratif et aux établissements d’utilité publique  selon laquelle, à son article 1er, l’ASBL est celle qui ne se livre pas à des opérations industrielles ou commerciales, si ce n’est à titre accessoire, et qui ne cherche pas à procurer à ses membres un gain matériel.


Problématique

Telles que circonscrites par la loi du 20 juillet 2001, les ONG en général et celles internationales en particulier apparaissent incontestablement comme des partenaires du Gouvernement dans la mise en œuvre de son plan général de développement du pays.

À ce titre, des facilités, notamment fiscales, leurs sont accordées en vue de la mise en œuvre efficiente de leurs activités.

Peut-on, dès lors, en inférer que la législation congolaise devrait logiquement être interprétée favorablement en ce qui concerne spécifiquement la fiscalité applicable aux rémunérations versées au personnel étranger qui œuvre au sein desdites ONG ?

Plus précisément, en ce qui concerne l’exemption fiscale  expressément  mentionnée par des dispositions légales en matière d’Impôt Exceptionnel sur les Rémunérations des Expatriés, est-il encore nécessaire qu’un acte administratif subséquent, notamment un arrêté interministériel signé conjointement par les Ministres ayant respectivement le Plan et les Finances dans leurs attributions, la consacre pour que les ONG concernées puissent s’en prévaloir devant l’administration fiscale ? 

Ces questions trouvent tout leur intérêt dans la pratique car, dans sa mission de mobilisation des recettes en vue de financer le budget de l’Etat qui en a cruellement besoin, l’Administration fiscale tend quelque peu à ne tenir compte que de cet impératif lorsqu’elle est amenée à interpréter la législation fiscale en cette matière précise.     


LA FISCALITE APPLICABLE AUX REMUNERATIONS PERCUES PAR LES PERSONNES PHYSIQUES ETRANGERES OEUVRANT AU SEIN D’UNE ONG 


I.1. Les facilités fiscales accordées aux Organisations Non Gouvernementales


Au terme de l’article 39 de la loi du 20 juillet 2001, l’Etat s’engage à accorder aux ONG certaines facilités administratives et fiscales, notamment :

  • Les exemptions fiscales prévues par la législation en vigueur,

  • L’exonération des droits sur l’importation des biens et équipements liés à leur mission,

  • L’assistance en matière d’obtention du permis de séjour pour étrangers et leurs familles,

  • Le droit d’utilisation d’équipement et fréquences-radio,

  • L’application de procédures simplifiées à l’Office Congolais de Contrôle.


L’on retiendra ici que cette disposition légale indique qu’il existe des exemptions fiscales « prévues par la législation en vigueur » (sic). 

La même disposition légale précise que, d’une part, ces  facilités administratives et fiscales seront expressément déterminées par le Ministre ayant le plan dans ses attributions, après l’obtention de la personnalité juridique et, d’autre part, l’octroi des facilités à caractère administratif, technique et financier est constaté par un arrêté interministériel des Ministères du Plan et des Finances après l’avis préalable des Ministres compétents concernés.  

Pour formaliser les facilités susmentionnées, le Ministre ayant le Plan dans ses attributions agit, d’une part, individuellement par le biais de l’accord-cadre qu’une ONG est obligée de signer avec lui, au terme de l’article 37 de la Loi n°004/2001 du 20 juillet 2001 portant dispositions générales applicables aux associations sans but lucratif et aux établissements d’utilité publique et, d’autre part, conjointement avec son collègue ayant les Finances dans ses attributions par le biais de l’arrêté interministériel sus évoqué.

Cette exigence d’un accord-cadre ainsi que d’un arrêté interministériel consacrant les avantages accordés aux ONG, pour que celles-ci s’en prévalent légitimement, est en apparente contradiction avec la reconnaissance d’ « exemptions fiscales prévues par la législation en vigueur » par le texte qui institue cet accord-cadre et cet arrêté interministériel.

En effet, en ce qui concerne ces «exemptions fiscales prévues par la législation en vigueur» il semble légitime de considérer qu’étant portées par un texte légal, l’absence des actes réglementaires sus évoqués ne sauraient en empêcher la prise en compte par l’administration fiscale. 

Or cela n’est pas le cas dans la pratique car les préposés de l’administration fiscale ont tendance à privilégier l’exigence d’un arrêté interministériel des Ministres ayant respectivement le Plan et les Finances dans leurs attributions, en se fondant vraisemblablement sur le caractère spécial de la loi sur les ASBL par rapport à celle instituant les impôts sur les rémunérations. 

Le problème est qu’à défaut d’être portée par cet arrêté interministériel, aucune exemption fiscale n’est reconnue aux ONG par les préposés de l’administration fiscale, y compris les exemptions déjà prévues par la législation fiscale en vigueur qui, à notre avis, devrait plutôt être directement appliquée dans ce cas en vertu du principe selon lequel les lois fiscales sont de stricte interprétation et d’immédiate application.

Il y a donc là une déplorable équivoque que le législateur gagnerait à lever en reformulant l’article 39 de la Loi sur les ASBL en édictant plutôt que « outre les exemptions fiscales prévues par la législation en vigueur, l’Etat s’engage à accorder aux ONG certaines facilités administratives et fiscales, notamment :

  • L’exonération des droits sur l’importation des biens et équipements liés à leur mission,

  • L’assistance en matière d’obtention du permis de séjour pour étrangers et leurs familles,

  • Le droit d’utilisation d’équipement et fréquences-radio,

  • L’application de procédures simplifiées à l’Office Congolais de Contrôle ». 

En reformulant ainsi cette disposition de la Loi sur les ASBL, le législateur indiquera clairement que l’intervention des Ministres du Plan et des Finances, par la signature conjointe d’un arrêté interministériel, ne sera alors requise que pour les facilités énumérées dans la clause légale remaniée, tandis que celles prescrites par la législation fiscale en vigueur seront directement prises en compte sans qu’il ne soit besoin qu’elles soient de nouveau et obligatoirement mentionnées dans l’arrêté interministériel sus évoqué.

En attendant cette modification de la Loi sur les ASBL, il continue à apparaître, de la formulation actuelle de son article 39, que sans avoir été formellement « déterminées » par le Ministre ayant le Plan dans ses attributions et « constatées » par un arrêté interministériel des Ministres du Plan et des Finances, les exemptions fiscales, pourtant « prévues par la législation en vigueur », ne peuvent être légitimement évoquées par une ONG ; ce qui est quelque peu absurde car tendant à rendre inefficace des prescriptions déjà portées par la législation fiscale en vigueur.

Cela est d’autant incompréhensible que les exemptions prévues par l’Ordonnance-Loi n°69/009 du 10 février 1969 relative aux impôts cédulaires sur les revenus ainsi que par l’Ordonnance-Loi n°69-007 du 10 février 1969 relative à l’Impôt Exceptionnel sur les Rémunérations des Expatriés sont préexistantes à la loi du 20 juillet 2001 sur les ASBL et étaient appliquées comme telles sans qu’il ne soit besoin qu’elles soient, d’une part, déterminées par le Ministre ayant le Plan dans ses attributions et, d’autre part, constatées par un arrêté interministériel des Ministres du Plan et des Finances.

    

I.2. Les impôts sur les rémunérations dues par les Organisations non Gouvernementales 


I.2.1. L’impôt Professionnel sur la Rémunération (IPR)

L’assujetti doit se trouver dans un lien de subordination vis-à-vis de la personne qui utilise ses services et qui le rémunère . Néanmoins, par dérogation, l’article 47 de l’Ordonnance-Loi n°69/009 du 10 février 1969 relative aux impôts cédulaires sur les revenus qui institue l’IPR soumet à l’imposition tous les mandataires salariés. Sont donc concernées toutes les sommes payées par l’employeur ou le mandant .


L’impôt Professionnel sur les Rémunérations est calculé sur le montant net de la rémunération.

Sont considérés comme revenus imposables  les rémunérations des personnes rétribuées par un tiers, de droit public ou de droit privé, sans être liées par un contrat d’entreprise ainsi que celles des associés actifs dans les sociétés autres que par actions. 

Ces rémunérations comprennent notamment les traitements, les salaires, les émoluments, les indemnités qui ne représentent pas le remboursement de dépenses professionnelles effectives, les gratifications, primes et toutes autres rétributions fixes ou variables, quelle que soit leur qualification.

Y sont ajoutés, les avantages en nature qui sont comptés pour leur valeur réelle. Ne sont cependant pas pris en compte les indemnités et avantages en nature concernant le logement, le transport et les frais médicaux pour autant qu’ils ne revêtent pas un caractère exagéré.

D’une part, l’imposition des rémunérations à l’IPR est effectuée selon un taux progressif mais l’imposition totale à charge du travailleur ne doit pas excéder 30% du revenu imposable et, d’autre part, l’impôt établi est réduit d’une quotité de 2% pour chacun des membres de la famille à charge, avec un maximum de 9 personnes .


L’impôt est fixé à  :

0%

pour la tranche de revenus de

0,00 FC

524.160,00 FC

15%

pour la tranche de revenus de

524.161,00 FC

1.428.000,00 FC

20%

pour la tranche de revenus de

1.428.001,00 FC

2.700.000,00 FC

22,5%

pour la tranche de revenus de

2.700.001,00 FC

4.620.000,00 FC

25%

pour la tranche de revenus de

4.620.001,00 FC

7.260.000,00 FC

30%

pour la tranche de revenus de

7.260.001,00 FC

10.260.000,00 FC

32,5%

pour la tranche de revenus de

10.260.001,00 FC

13.908.000,00 FC

35%

pour la tranche de revenus de

13.908.001,00 FC

16.824.000,00 FC

37,5%

pour la tranche de revenus de

16.824.001,00 FC

22.956.000,00 FC

40%

pour le surplus




Pour le personnel expatrié la base minimum d’imposition ne peut être inférieure au salaire minimum interprofessionnel garanti appliqué dans le pays d’origine du travailleur concerné. Il convient de préciser à ce propos que cette base minimum d’imposition des rémunérations du personnel expatrié ne s’applique pas aux revenus des personnes physiques ressortissants des pays limitrophes, étant donné que ces dernières sont assimilées aux nationaux, sous réserve de réciprocité . 


Selon l’article 17 de la Loi n°004/2003 du 13 mars 2003 portant réforme des procédures fiscales, toute personne physique ou morale redevable de l’impôt professionnel sur les rémunérations et de l’impôt exceptionnel sur les rémunérations du personnel expatrié est tenue de souscrite une déclaration chaque mois, dans les dix jours qui suivent le mois au cours duquel les rémunérations ont été versées ou mises à la disposition des bénéficiaires.

 

Cette déclaration doit être souscrite même si les rémunérations ne sont pas versées.

 

I.2.2. L’impôt Exceptionnel sur la Rémunération du personnel Expatrié (IERE)

L’impôt Exceptionnel sur les Rémunérations est assis sur les rémunérations payées par chaque employeur à son personnel expatrié.

L’impôt est établi sur le montant brut de la rémunération.

Le taux de cet impôt est fixé à 25%.

Sont exemptés de l’IERE  :


1°. L’Etat, les Provinces, les Villes, les Communes, les Secteurs, les chefferies, les Entités Territoriales Déconcentrées, ainsi que les Offices et autres établissements publics de droit congolais n’ayant d’autres ressources que celles provenant de subventions budgétaires :

2°. a) les institutions religieuses, scientifiques ou philanthropiques créées par application de l’article 1er du Décret du 28 décembre 1888 et satisfaisant aux conditions requises par le Décret-Loi du 18 septembre 1965,

 b) les associations privées ayant pour but de s’occuper d’œuvres religieuses, scientifiques ou philanthropiques qui ont reçu la personnalité civile par application de l’article 2 du Décret du 28 décembre 1888 et visées à l’article 5 du Décret-Loi du 18 septembre 1965,

 c)  les établissements d’utilité publique créés par application du Décret du 19 juillet 1926,

 d) les associations sans but lucratif ayant pour fin de s’occuper d’œuvres religieuses, sociales, scientifiques ou philanthropiques qui ont reçu la personnalité civile en vertu de décrets spéciaux.


3°. Les fonctionnaires  et agents internationaux des organisations internationales, du chef des rémunérations touchées par eux et payées par lesdites organisations


4°. Les ambassadeurs et agents diplomatiques, les consuls et agents consulaires accrédités en République Démocratique du Congo, du chef des rémunérations et profits touchés par eux en leur qualité officielle qu’ils ont de l’Etat qu’ils représentent, à la condition toutefois que les Gouvernements dont ils sont les mandataires accordent la même immunité aux diplomates et agents consulaires de la République Démocratique du Congo    

                        

I.2.3.Recours à une main d’œuvre occasionnelle

Lorsqu’un employeur a recours occasionnellement aux services d’une personne, l’impôt à percevoir à la source est fixé à 15% du montant des sommes payées ou attribuées . 


LES SPECIFICITES DE L’IMPOT EXCEPTIONNEL SUR LES REMUNERATIONS DU PERSONNEL EXPATRIE (IERE)

L’IERE est, parfois et à tort, confondu avec l’Impôt Professionnel sur la Rémunération (IPR) étant donné que les deux impôts sont assis sur les rémunérations payées par l’employeur et que l’IERE est acquitté mensuellement dans les mêmes conditions et délais que l’IPR.

Par ailleurs, d’aucuns considèrent, à tort toujours pensons-nous, que toutes les ASBL seraient exemptées de l’IERE en vertu de la loi , tandis que d’autres déplorent que cet impôt est insuffisamment recouvré du fait de la négligence de l’administration fiscale car il est, notamment, de notoriété publique que les expatriés résidant en RDC perçoivent deux sortes de rémunérations, l’une en monnaie locale, pour les besoins locaux et l’autre en devises étrangères, logée dans un compte bancaire dans leur pays d’origine. Les employeurs concernés ne déclarent alors au fisc que la rémunération versée localement pour minorer le montant réellement dû au titre de l’IERE .  

Les développements ci-après visent à faire un tant soit peu de lumière sur ces questions.       


II.1. Base légale différente de celle de l’Impôt Professionnel sur les Rémunérations (IPR)

L’Impôt Professionnel sur les Rémunérations (IPR) fut institué par l’Ordonnance-Loi n°69/009 du 10 février 1969 relative aux impôts cédulaires sur les revenus tandis que l’Impôt Exceptionnel sur les Rémunérations des Expatriés (IERE) fut institué par l’Ordonnance-Loi n°69-007 du 10 février 1969 relative à l’impôt exceptionnel sur les rémunérations des expatriés. Il s’agit donc de deux impôts différents, portés par deux textes légaux différents.


II.2. Le redevable réel de l’IERE

Selon l’article 5 de l’Ordonnance-Loi n°69-007 du 10 février 1969, l’IERE est dû par les personnes physiques et par les sociétés qui payent les rémunérations. Autrement dit, l’employeur est le redevable réel de l’IERE tandis que le salarié est le redevable réel de l’IPR dont l’employeur n’est que le redevable légal.


Il découle de ce qui précède que l’employeur qui bénéficie d’une exonération de l’IERE en tant que redevable réel est néanmoins tenu de collecter en faveur de l’administration fiscale et par prélèvement à la source, en tant que redevable légal, l’IPR dû par ses employés qui en sont les redevables réels.

      

II.3. La ratio legis

L’IERE a été institué dans le but de favoriser l’embauchage de la main d’œuvre nationale en décourageant celui des étrangers . 

L’IERE, dont l’employeur est le redevable réel, se superpose donc à l’IPR dont le même employeur est, cette fois-ci, le redevable légal. 


II.4. Les exemptions

II.4.1. Les catégories d’ONG concernées

En vertu de l’article 7 de l’Ordonnance-Loi n°69-007 du 10 février 1969 relative à l’Impôt Exceptionnel sur les Rémunérations des Expatriés combiné avec l’Article 94 de l’Ordonnance-Loi n°69/009 du 10 février 1969 relative aux impôts cédulaires sur les revenus, les ASBL exemptés de l’IERE sont celles qui s’occupent d’œuvres religieuses, sociales, scientifiques ou philanthropiques.

Comme nous l’avons vu plus haut, selon l’article 2 de la loi du 20 juillet 2001, l’ASBL est, de par sa nature et son objet, soit une association à caractère culturel, soit une organisation non gouvernementale, ONG en sigle, soit une association confessionnelle.

S’il est clair que les œuvres religieuses évoquées par la législation fiscale susmentionnée correspondent à l’association confessionnelle prévue par la loi sur les ASBL, il reste à déterminer l’équivalent, dans ce dernier texte, des œuvres sociales, scientifiques et philanthropiques visées par la législation fiscale. D’où la question de savoir si, par exemple, les associations à caractère culturel sont sous le champ des exemptions sus évoquées ? La réponse semble négative au nom du principe de l’interprétation stricte de la loi fiscale.

Pour ce qui est des ONG, qui ne sont pas aussi expressément visées par les textes fiscaux susmentionnés, l’article 36 de la Loi n°004/2001 du 20 juillet 2001 portant dispositions générales applicables aux Associations Sans But Lucratif et aux Etablissements d’Utilité Publique stipule que, pour être enregistrée auprès du Ministère ayant dans ses attributions le secteur d’activités visé, l’organisation doit, notamment, être animée de préoccupations humanitaires. 

Cette disposition est appliquée aux ONG de droit congolais mais il nous semble cependant qu’elle s’applique aussi aux ONG étrangères dans la mesure où, selon l’article 34 de la même loi, ces dernières ne peuvent avoir plus de droits que les ASBL de droit congolais, d’où les ONG étrangères sont aussi soumises au devoir d’enregistrement susdit.

Les observations qui précèdent peuvent finalement fonder quelques interrogations en ce qui concerne les propos de ceux qui affirment de manière péremptoire que les ASBL sont, dans leur ensemble, exemptées de l’IERE en vertu de la loi et ce, tant comme redevables réels que comme redevables légaux  et ce, sur pied de l’Ordonnance-Loi n°69/007 du 10 février 2019 relative à l’Impôt Exceptionnel sur les Rémunérations des Expatriés précité. 


II.4.2. Qu’en est-il dans la pratique ?

Dans la pratique, l’accord-cadre qu’une ONG étrangère est obligée, au terme de l’article 37 de la Loi sur les ASBL, de conclure avec le Ministère ayant le plan dans ses attributions comporte souvent une clause relative à l’exemption fiscale de l’IERE ; laquelle clause est ensuite insérée dans l’arrêté interministériel cristallisant cet avantage fiscal. 

Mais, il advient aussi, d’une part, que l’exonération de l’IERE ne soit pas expressément mentionnée dans l’Accord-cadre et, donc, non plus dans l’arrêté interministériel qui en reproduit les stipulations à caractère fiscal et douanier et, d’autre part, que nonobstant le fait que l’exonération de l’IERE figure dans l’Accord- cadre, l’arrêté interministériel qui doit consacrer ladite exonération tarde à être pris pour de raisons de lenteur administrative.

Comme on peut l’imaginer ces situations suscitent parfois des frictions entre, d’une part, l’administration fiscale qui, par principe, n’exécute que les ordres provenant ou validés par son autorité de tutelle qu’est le Ministre des Finances à travers l’arrêté interministériel précédemment mentionné et, d’autre part, les assujettis qui s’estiment alors en droit, soit de se prévaloir directement des exemptions portées par l’article 7 de l’Ordonnance-Loi n°69-007 du 10 février 1969 relative à l’Impôt Exceptionnel sur les Rémunérations des Expatriés combiné avec l’Article 94 de l’Ordonnance-Loi n°69/009 du 10 février 1969 relative aux impôts cédulaires sur les revenus les ASBL qui décide que les ASBL s’occupant d’œuvres religieuses, sociales, scientifiques ou philanthropiques sont exemptées de l’IERE soit d’évoquer le fait que l’exonération de l’IERE dont ils se prévalent est déjà déterminée par l’Accord-Cadre tandis qu’ils ne peuvent être pénalisés par la lenteur mise par les autorités compétentes à signer l’arrêté interministériel y consécutif. 

Comme on peut aisément le constater, les situations sus décrites peuvent générer de déplorables malentendus, voire des tracasseries fondées sur des interprétations divergentes des lois applicables. 


II.4.3. De lege ferenda

Le législateur serait donc bien inspiré de reformuler l’article 39 de la Loi n°004/2001 du 20 juillet 2001 portant dispositions générales applicables aux Associations Sans But Lucratif et aux Etablissements d’Utilité Publique en excluant « les exemptions fiscales prévues par la législation en vigueur » d’une consécration obligatoire par l’Accord-Cadre et l’Arrêté Interministériel.

Ce qui est précédemment dit pour l’IERE vaut aussi pour l’IPR dans la mesure où, on l’a compris, l’ONG est assujettie tant à l’IERE, en tant que redevable réel, qu’à l’IPR dû par l’ensemble de son personnel y compris les expatriés, en tant que redevable légal. 


CONCLUSION

Dans la mesure où elles sont appelées par la loi sur les ASBL à inscrire leur action dans le cadre du Plan général de développement du pays et ce, dans un but humanitaire, le législateur a prévu d’accorder aux ONG des facilités administratives et fiscales pour mener à bien leur mission.

Dans la pratique et pour les questions précédemment exposées, tenant à la nécessaire harmonisation des prescrits légaux, il arrive que certaines de ces facilités soient remises en cause par l’administration fiscale soumise à l’impératif de maximisation des recettes fiscales pour un pays qui en a cruellement besoin pour financer son budget.

Pour permettre à chacun de ces acteurs du développement du pays de jouer pleinement son rôle, il importe plutôt que, par des textes de lois clairs et harmonieux, l’Etat régule leurs rapports de manière à instaurer un vrai rapport de partenariat entre eux plutôt que de fréquents tiraillements qui instaurent un climat de suspicion et de méfiance.

Les dispositions légales portant sur les impôts qui frappent les rémunérations du personnel expatrié des organisations non gouvernementales méritent ainsi, on l’a vu, d’être davantage mises en harmonie avec celles portant les principes en la matière figurant dans la loi sur les ASBL.

En attendant, un contentieux fiscal sera susceptible de naître chaque fois qu’une ONG fera l’objet d’un redressement fiscal portant sur l’Impôt Professionnel sur les Rémunérations de l’ensemble de son personnel ou sur l’Impôt Exceptionnel sur les Rémunérations des Etrangers qu’elle emploie, dont elle se croirait directement exemptée par la législation fiscale mais qui ne serait pas expressément mentionné dans un accord-cadre et, surtout, dans un arrêté interministériel conjointement signé par les Ministres ayant respectivement le Plan et les Finances dans leurs attributions comme l’exige la Loi sur les ASBL.

Si, au regard des clauses de ses statuts, l’ONG concernée, peut être comptée dans la catégorie de celles directement exemptées de ces impôts par la législation fiscale en vigueur, en l’occurrence celles s’occupant d’œuvres religieuses, sociales, scientifiques ou philanthropiques, il y a lieu qu’elles formulent une réclamation contentieuse contre un tel redressement fiscal et, si nécessaire, se résolvent à porter le différend devant le juge qui sera plus à même, pensons-nous, de faire droit à sa prétention à l’application, sans atermoiement, de la loi fiscale applicable, telle que déclinée par l’article 7 de l’Ordonnance-Loi n°69-007 du 10 février 1969 relative à l’Impôt Exceptionnel sur les Rémunérations des Expatriés et l’Article 94 de l’Ordonnance-Loi n°69/009 du 10 février 1969 relative aux impôts cédulaires


BIBLIOGRAPHIE


Loi et Codes de Lois

loi n°004/2001 du 20 juillet 2001 portant dispositions générales applicables aux associations sans but lucratif et aux établissements d’utilité publique, in Journal officiel, numéro spécial, 15 août 2001.

Code des Impôts mis à jour au 15 juillet 2017, édité par le Ministère des Finances, Direction Générale des Impôts.

Maître Jean Michel MBOCK BIUMLA (sous la direction de), OHADA, Code bleu, 4ème édition, Traité-Actes uniformes-Règlements de Procédure et d’Arbitrage- Jurisprudence annotée, éditions Juriafrica 2016.


Ouvrages

Gérard Cornu (sous la direction de), vocabulaire juridique, Association Henri Capitant, Quadrige/Presses Universitaires de France, Paris, 1987.

AZAMA LANA, Droit fiscal zaïrois : Exposé, commentaire et analyse critique des dispositions légales et réglementaires, Editions CADICEC, Kinshasa, janvier 1986.

BUABUA wa KAYEMBE, Traité de droit fiscal zaïrois : constats et propositions sur les Contributions et la Douane, Presses Universitaires du Zaïre (PUZ) Kinshasa, 1993.

Jean-Pierre ILAKA KAMPUSU, Guide juridique des ASBL et des Fondations en République Démocratique du Congo, Cadicec, Kinshasa

4 vues

Comments


bottom of page